samedi 1 août 2015

Nous l’avons fait !
Vendredi 31 juillet quinzième jour : Kittilä-Rovaniemi, 158km., 8h36 (13h03), 663m. d.p.]
Oui, vous avez bien lu. Nous avons fait près de 160km dans la journée d’aujourd’hui pour terminer en beauté, en réalisant un exploit, que nous n’avions pas forcément cherché, mais les circonstances ont voulu que nous terminions notre périple en une seule journée contrairement aux deux que nous avions projetées la veille au soir. En revanche, hier soir on savait qu’il ne ferait pas beau mais que le vent au moins ne serait pas notre ennemi et l’après midi était annoncé plus clément. Tout cela pour vous dire que nous avions repéré un camping à mi-chemin du parcours Kittilä-Rovaniemi. En réalité, c’est une façon de dire car ici, monter sa tente est plutôt risqué ; en effet, souvent le sol est très humide, pour ne pas dire gorgé d’eau et deuxièmement, il faut être bien équipé pour lutter contre les moustiques, donc avoir une tente spacieuse et s’organiser différemment. D’ailleurs, on ne voit pratiquement aucun autochtone monter sa tente. Il faut ajouter à cela le fait que depuis notre voyage en camping-car il y a douze ans, la majorité des camping-caristes sont désormais les gens du pays et ils fréquentent pratiquement tous les campings au lieu de bivouaquer en pleine nature ou sur les aires de repos. Enfin, le mode traditionnel d’hébergement pour n’importe quel déplacement reste ici la cabane ou comme on dit en pays scandinave mais en anglais le « cottage » ou « summer cottage ». L’hôtellerie classique est plutôt résiduelle. Il existe plusieurs types de cabanes allant de la plus démunie (un réchaud électrique, au minimum deux lits superposés, souvent quatre, mais pas de linge, les toilettes et les douches se trouvant dans le bâtiment des sanitaires), à la plus confortable (un vrai studio ou appartement, tout confort parfois avec un sauna privé !). D’ailleurs, je ne connais pas les statistiques mais, d’après nos observations depuis que nous fréquentons les pays scandinaves, y compris la Finlande bien qu’elle n’en soit pas un, chaque famille en possède une quelque part, dans la forêt, dans la montagne, au bord d’un lac ou d’une rivière…
Pourquoi cette digression ? Parce que lorsque nous sommes arrivés à ce fameux camping à mi-chemin, nous sommes tombés sur une ancienne ferme qui proposait quelques cabanons au bord de la rivière Ounasjoki. Le logement de la ferme faisait office de réception : une vieille dame en sortit précipitamment ,étonnée de se trouver face à des clients, semble-t-il. Elle nous annonce le prix d’un mökki (cabane), en finnois je suppose, et aussi en montrant le chiffre 3 avec ses doigts (il fallait vraiment deviner ce qu’elle voulait dire) : 30 €, un prix imbattable ! Roselyne essaye de communiquer en anglais, en vain ! La dame appelle son mari qui sortait du bois. Le vieux monsieur est plus calme mais il nous parle aussi en finnois. Je demande par gestes à voir les cabanes. Le monsieur nous amène au bord de la rivière. Il nous montre la cabane « premier prix », puis la deuxième avec sauna à l’ancienne (50 €). Malgré un certain charme, elles sont extrêmement rustiques, sans confort, les toilettes et douches d’un autre âge se situent dans une sorte de cabanon à part, prêt à s’écrouler, sans toit ni porte, et bien évidemment ce lieu est infesté de moustiques, nos chers compagnons. On commence à se poser des questions, en particulier s’il y a de l’eau chaude au moins et nous n’avons pas de réponse non plus. Nous quittons les lieux, non sans regret, car ce vieux couple nous paraissait très sympathique.
Le prochain camping est à 40 ou 50 km. Il fait enfin beau (depuis cinq jours nous pédalons sous la pluie), nous voulons profiter de ce temps et nous continuons notre route vers le sud à un rythme soutenu. Nous profitons surtout du paysage autour de nous et ce malgré les moustiques toujours aussi agressifs et méchants. Durant tout ce voyage, nous n’avions jamais rencontré autant de rennes qu’aujourd’hui, seuls ou en groupe, au ralenti, au galop, prudents ou casse-cou.
Au bout d’une heure environ, nous faisons une pause dans un établissement qui fait à la fois restaurant (une simple cafétéria en réalité), café, superette et station service. Nous sommes approchés par la jeune fille qui s’occupe de tout (sauf des pompes à essence qui sont toutes automatisées même dans le fin fond de la Laponie). Elle nous demande instantanément (en anglais) si nous avons besoin d’aide. Elle nous communique le numéro de téléphone du prochain camping à 15 km et reste à notre service s’il y a un problème. Roselyne téléphone au camping : pas de cabine ni de chambre. Après une recherche rapide sur son Smartphone la charmante demoiselle nous donne d’autres numéros d’hébergements mais aucune réponse positive. Rovaniemi est à 55 km. Nous décidons d’aller jusqu’à ce seul camping à une vingtaine de km de là pour y monter notre tente.
Une fois sur place, l’établissement nous paraît louche, la même configuration que le premier mais sans charme, ni exotisme et surtout un accueil très désagréable. Comme attendu, la réponse pour un logement ou chambre est négative et nous demandons si nous pouvons planter notre tente. Sa réponse positive est à peine audible et nous demandons le prix : 25 €. J’ai proposé à Roselyne de quitter immédiatement les lieux et de trouver sur le bord de la route 79, un endroit où poser nos vélos pour téléphoner au camping de Rovaniemi (celui qui nous avait accueillis et où nous avions laissé notre voiture), pour réserver une cabine du même type que la dernière fois. Le problème est qu’il reste encore près de 40 km à parcourir et nous sommes tout proche de la distance du deuxième jour (133 km) avec ses souvenirs de fatigue et d’angoisse ! De plus, il faut arriver à notre camping avant 22h pour récupérer la clé de la cabane. Heureusement que la route n’était pas difficile et que la circulation était modérée (zone de 100 km/h !), avec peu de camions… Lorsque nous sommes arrivés à notre destination nous étions extenués, morts de fatigue mais heureux d’avoir parcouru cette distance. J’ai alors pensé au jeune allemand Magnus (étudiant en école d’ingénieur de chimie) que nous avions rencontré aux alentours d’Ivalo. Lors de notre échange en français s’il vous plait, il nous avait demandé combien de km nous pédalions par jour. Au troisième jour, nous étions à près de 100 km/jour. Il nous a dit qu’il en faisait 150/160 et qu’il avait déjà dans les jambes plus de 4000 km, qu’il évitait les campings en bivouaquant en pleine nature. Nous l’avions alors félicité pour ses performances et il nous avait répondu : « pour moi c’est normal car je suis jeune, mais il n’y a pas beaucoup de personnes de votre âge qui font ça,». Nous aussi, on l’a fait au moins une fois Magnus !
Que dire de plus, c’était un voyage dur mais plein d’enseignements, d’émotions, de rencontres, de sentiment de liberté, de grands espaces au sein d’une nature fragile. La beauté des paysages traversés à la seule force de nos mollets, les rennes, les moustiques, les montées et descentes, la forêt à perte de vue, les lacs innombrables, les rivières, le ruissellement de l’eau, les névés, les collines, resteront gravés dans nos mémoires. En 17 jours (15 jours de vélo), nous avons parcouru plus de 1300 km, ponctués de moments de solitude, de rêveries, de déception et surtout de joie.
En Finlande, et en Norvège, partout où nous sommes passés, à de très rares exceptions près, nous avons été bien accueillis. Nous ne garderons que de bons souvenirs. Cependant nous attribuons une mention spéciale au Camping Napapiirin Saari-Tuvat de Rovaniemi, à son personnel accueillant, pour nous avoir bien accueillis au départ et à l’arrivée de ce périple Lapon et surtout pour avoir accepté que nous laissions notre voiture dans l’enceinte de leur établissement, gratuitement.
A suivre peut-être !

jeudi 30 juillet 2015


Mont Levi, évidemment sous la pluie,
Jeudi 30 juillet quatorzième jour : Muonio-Kittilä, 83km., 5h28 (7h31), 527m. d.p.]
Ce jeudi matin, nous sommes partis vers 9h, sous la menace de la pluie. Encore une montée douce qui devient un peu corsée au bout de quelques km. Aujourd’hui, sur la route 79, nous devons faire plus de 80 km pour atteindre la ville de Kittilä. En consultant nos cartes hier soir, nous avions vu que la route était accidentée. Nous savions aussi que la région est connue pour ses stations de ski alpin, donc montagneuse. Cerise sur le gâteau : le vent souffle à plus de 40 km/h de l’est. C’est justement vers cette direction que nous devons aller et pédaler pendant plus de 50 km avant de bifurquer ver le sud, en direction de Rovaniemi (210 km.), notre point de départ il y a plus deux semaines.
Lors de la première montée j’ai pensé à hier soir, au sauna plus exactement. Étant novice en la matière, j’ai failli m’évanouir avec la chaleur qui est 80. Et, comme dans les films, j’ai voulu créer un peu d’humidité et j’ai aspergé les pierres volcaniques chauffées à blanc. Conséquence immédiate : instantanément la température est montée de 15°°! J’ai eu à peine le temps de sortir, avec beaucoup de difficulté, dans la salle de douche (c’est une sorte de sas entre le vestiaire et le sauna proprement dit) et je n’ai même pas eu le temps de m’asperger avec de l’eau froide, je me suis assis non sans difficulté sur le banc qui se trouvait là. C’est Roselyne qui m’a arrosé avec de l’eau froide jusqu’à ce que je retrouve mes esprits. Quelle aventure !
Sinon, que dire de la route. Les épicéas sont toujours dominants et vigoureux (sauf s’ils sont exposés aux vents), les lacs sont toujours là mais le mauvais temps ne m’a pas permis de faire de photos. En effet, à partir de la mi-chemin, le crachin s’est transformé en véritable pluie et nous avons pédalé jusqu’à notre destination sous les averses plus ou moins fortes. Pour la première fois aujourd’hui, nous avons été suivis par un chien pendant plusieurs centaines de mètres. N’ayant jamais vécu ce type de situation ici, j’avais rangé mon « dazer » (lire la partie Roumanie de ce Blog pour constater l’efficacité sur les chiens de cette « arme » à ultra son) au fond d’un sac. Demain, je vais le fixer à un endroit bien accessible. Vous comprenez bien que j’étais assez embarrassé de cette situation. Il ne nous restait plus qu’à pédaler le plus vite possible pour échapper à ce chien noir têtu.
A Sirkka (station de Levi), 20 km avant Kittilä, il existe une station de ski alpin apparemment bien connue des finlandais. D’un seul coup vous tombez sur une localité moderne et sans âme avec des immeubles. Quel changement par rapport au reste de la Laponie ! Il y a là de nombreux magasins et restaurants mais ils sont fermés (c’est la basse saison) et pourtant la ville est plutôt vivante. D’après les plans et de par nos observations, la station dispose d’une dizaine de pistes mais pas très longues car le Mont Levi ne fait que 520 m d’altitude et mon altimètre annonçait 230 mètres en ville (autrement dit en bas des pistes). De Sirkka à Kittila, la circulation est devenue plus dense, les voitures roulaient très vite, certaines au-dessus de la limite imposée (100 km/h). On se serait cru sur une autoroute, on n’en menait pas large.
In fine, nous étions aussi contents qu’hier d’arriver à notre destination et de trouver un camping à Kittilä. Nous avons loué un « cottage » avec douche, toilette, cuisine, et même un téléviseur, car, d’après la réceptionniste qui n’assure la permanence qu’entre 16 et 21 h., il ne restait plus que cela (tiens donc), avec (non merci !) ou sans sauna. Ceci dit, le logement est spacieux et fonctionnel. Il ne manque que les draps. Au repos. Il nous reste donc encore 2 jours de vélo pour arriver à Rovaniemi. Et… on annonce encore de la pluie !!!

mercredi 29 juillet 2015

Sous la pluie… inévitablement
Mercredi 29 juillet treizième jour : Enontekiö-Muonio, 77km., 3h56 (5h41), 318 m. d.p.]
Jusqu’à ce jour, nous n’avions jamais été aussi pressés d’arriver au point d’hébergement que nous nous étions fixés. En effet, ce matin, nous avons démarré notre étape sous la pluie qui venait de débuter. Nous avions déjà pris la décision de ne pas nous débiner si le temps se gâtait. C’était l’occasion de tenir nos promesses.
La route est quasiment plate, pas de vent mais des goutes de pluie pas du tout méchantes. Les épicéas de chaque côté de la route sont désormais dominants dans cette forêt qui recommence à avoir de la vigueur, au fur et à mesure qu’on redescend vers le sud. Les lacs sont toujours aussi nombreux, il ne nous reste qu’à pédaler à cette heure matutinale sur la route 93 très calme. Malgré la faible pluie, nous pédalons bien, voire très bien, vers le sud-ouest avec une moyenne de 20 km/h, n’oubliez pas avec nos chargements. Arrivés au carrefour avec la route 21, nous changeons de direction, plein sud. Le vent vient de se lever et par chance (un des points positifs de la journée), il est avec nous, il nous pousse, il nous donne des ailes sous la pluie qui commence à s’intensifier sérieusement. Même si la route commence à avoir un léger relief, cela ne nous fait pas baisser notre rythme de pédalage. Depuis deux heures que nous roulons, nous avons déjà couvert la moitié de la distance prévue, sans pause. Depuis le début de ce voyage, nous devons ,à chaque arrêt, trouver un support où appuyer nos vélos démunis de béquilles. Sur les petits dégagements qui existent le long de la route, les panneaux de signalisation se trouvent quasiment dans le fossé. Ce matin, c’est pareil, aucun endroit propice pour s’arrêter. Bref, profitant des panneaux de signalisation d’une piste pour motos-neiges, nous faisons une halte pour étirer nos jambes et prendre notre thé habituel, toujours sous la pluie. A peine 2 km plus loin, voilà une aire de pique-nique avec deux cafés-magasins de souvenirs qui se font face. Les deux, en concurrence probablement, affichent des prix imbattables : 1€ le café, avec ou sans pâtisserie ! Nous nous arrêtons à nouveau et trouvons refuge dans ce lieu accueillant, chaud et confortable où nous allons faire une vraie pause bien méritée, au sec. Dehors, la pluie ne cesse de tomber, on n’a plus envie de décoller. Un couple de motards me demande : « are you the bikers ? ». Je fais oui de la tête (je suis nul en anglais et Roselyne était en train de faire le tour de la boutique!). Ils ont à la fois de l’admiration et de l’empathie à notre égard, d’ailleurs, en particulier aujourd’hui, la plupart des motards que nous avons croisés sur la route ou qui nous ont doublés nous ont fait savoir leur solidarité, en klaxonnant ou en nous saluant. Au bout d’une heure environ, nous avons dû repartir malgré l’intensité de la pluie. A l’approche de Muonio, notre petite ville (euphémisme) de destination, le paysage a changé : plus de relief, des montagnes, certes peu élevées mais bien réelles, ont fait leur apparition. Dommage que la pluie s’intensifie, sinon j’aurais pris davantage de photos. Nous nous sommes contentés de deux clichés (voir les photos d’aujourd’hui), des linaigrettes, vous savez, ces plantes qui poussent dans les zones marécageuses et dont les fleurs ravissantes ressemblent à du coton, et un renne qui a disparu dans la forêt à notre approche (cherchez le donc !).
Arrivés au camping en un temps record (moins de quatre heures pour 77 km !), nous étions complètement trempés et nous n’avons pas hésité une seconde à prendre une vraie chambre (malgré son prix), et nous en avons profité amplement. Demain, pour la prochaine étape, on annonce encore de la pluie. A suivre donc. Au fait, durant toute la matinée, j’ai observé (que voulez-vous que je fasse autrement) les gouttes de pluie qui s’accumulaient sur la visière de mon casque et qui, au rythme de ma cadence et du balancement de mon vélo, vacillaient horizontalement avant de tomber par terre. Roselyne a observé la même chose. Nous vous inquiétez pas, nous n’avons pas encore perdu la raison, c’est l’ivresse du vélo en toute liberté, quel que soit le temps parcouru et le terrain traversé. Ah, j’allais oublier, comme annoncé précédemment, nous avons profité du sauna de l’établissement ! A demain !!!

mardi 28 juillet 2015

Retour en Finlande
[Mardi 28 juillet douzième jour : Kautokeino-Enontekiö 79 km., 5h22 (8h22), 546 m. d.p.]

Lorsque nous nous sommes réveillés lundi matin, on a pu constater que les prévisions météorologiques étaient exactes : pluie fine, vent de face assez fort. Nous avons décidé de rester sur place au vu des prévisions qui annonçaient une meilleure journée pour mardi. En effet il a plu toute la journée même si souvent elle était faible (une sorte de crachin nantais) nous ne regrettons pas notre choix. On s’est alors penché sur nos carnets de voyages et alternativement on a lu Proust, car c’est le seul livre qui reste non lu par nous deux.

Le lendemain matin, lorsque nous sommes partis vers 8h, le ciel était couvert. La veille au soir, au café du camping, nous avons fait la connaissance d’un jeune suisse et d’un autre allemand. Le jeune suisse francophone se promène en stop depuis 9 mois en Europe, plutôt dans les pays du nord, si on compte l’Angleterre parmi eux. Son but est de voyager sans dépenser un sou, y compris pour la nourriture. Il lance des messages sur son téléphone portable grâce à une application qui lui permet de repérer des gens qui veulent bien l’héberger et le nourrir. Sinon il fait appel à la générosité des gens, en frappant parfois à leur porte. Il dort aussi en forêt et se nourrit de cueillette, baies principalement. L’autre, un jeune allemand marcheur, sillonne les routes du continent européen depuis quatre mois pour relier le sud de l’Europe au nord ! Nous avons aussi échangé avec un jeune québécois en vacances.

Sinon, la route, c’est pareil, dès le matin une montée lente et continue, les bouleaux et saules sont toujours les principales espèces qui recouvrent les collines de plus en plus douces et arrondies. Passé la frontière, le paysage change : nous roulons sur un plateau pas très accidenté et les conifères, principalement des épicéas, refont leur apparition. Leurs cimes dépassent largement les deux autres espèces dominantes. Ils sont reconnaissables aussi à leur couleur vert foncé virant au noir ou au brun. A part les moustiques toujours présents, notre deuxième ennemi aujourd’hui était le vent de face qui soufflait parfois assez fort, à tel point qu’il freinait notre allure, même dans les descentes. Pour constater cela il suffit de regarder la moyenne réalisée aujourd’hui : 15 km/h. Nous avons eu beaucoup de chance en évitant le plus souvent les précipitations. Aux portes de la ville d’Enontekiö (il faut plutôt dire un village, avec ses 500 habitants permanents !), station de ski alpin, située au nord d’un grand parc national, le Pallas-Yllästunturi, je photographie un renne. Nous nous sommes installés dans un camping de cette localité, très sympathique avec ses équipements parfaits. Notre cabane ressemble davantage à une tente, rudimentaire et exigüe, mais confortable (double porte, double vitrage et chauffage). En comptant tous les trajets effectués depuis Rovaniemi, nous avons parcouru à ce jour près de 1000 km.

lundi 27 juillet 2015

LAPONIE 2015

Préambule
Autant j’ai eu l’immense plaisir de faire, je dirais, non pas du vélo mais du karting mécanique avec mon tricycle de 2009 à 2011, autant par la suite, jusqu’à 2014, j’ai souffert avec le vélo couché à deux roues. Je ne me suis jamais vraiment habitué à cet engin à cause notamment des nombreuses chutes que j’ai connues durant cette période. Je ne me suis même pas rendu compte de la lente déformation du guidon de mon « Nazca Paseo », récemment redressé, qui était à l’origine de mon « mal-être » sur ce vélo car elle gênait considérablement le braquage et remettait en cause mon équilibre si fragile tout en rendant inconfortable la position assise. Ces chutes, produites presque toutes au ralenti, voire à l’arrêt, avaient aussi quelque peu modifié la géométrie du siège, si confortable pourtant, et du porte-bagage, le tout ayant été récemment réglé. Malgré sa lourdeur (21 kg) c’était un vélo confortable avec ses amortisseurs moelleux, son équipement de type VTT (trois plateaux, cassette 11-32, etc.), son siège très incliné offrant par sa position couchée, quoique irritante pour quelqu’un qui porte des verres progressifs, une vue panoramique ou je dirais « cinématographique », en référence à ce type d’écran de cinéma qui avait fait sensation et que ma génération avait découvert durant l’enfance. Subjectivement, je dois dire aussi que je ne garde pas que des bons souvenirs de la deuxième saison (Budapest-Constanta), ce qui a dû modifier les choses dans ma tête par la suite mais pas dans le bon sens.
Finalement, sans me séparer de ce vélo couché à deux roues revu et corrigé, je me suis acheté un vélo, si j’ose dire, « normal », tout carbone, léger, avec freins à disque hydraulique, deux plateaux à l’origine mais transformé en trois plateaux pour grimper dans de bonnes conditions, tout d’abord le terrain accidenté de la Sarthe et ensuite les voyages à venir dans le cycle des escapades d’été, en particulier celle qui se profilait pour la sixième saison : la Laponie. Quelque temps plus tard, Roselyne a décidé aussi de changer de monture, alors qu’elle aimait bien son Nazca avec lequel elle a toujours été à l’aise même pour affronter les côtes dépassant les 11 et 12 %. Je ne sais pas comment elle faisait mais elle les grimpait au ralenti (4-5 km/h), sans pour autant perdre son équilibre. Nous avons finalement décidé de nous séparer de nos vélos couchés et nous les avons mis en vente sur un site spécialisé. Un couple de la Savoie qui prépare un tour du monde à vélo avec leurs deux enfants de 7 et 9 ans s’est porté acquéreur.
Nous en sommes à notre quatrième saison sur les routes des pays du Nord. La première saison (en fin de compte, c’est la troisième de la série) nous sommes partis du Mans avec Maryvonne, notre amie de toujours, en suivant, autant que faire se pouvait, les bords de la Mer du Nord, pour aller jusqu’à la frontière danoise en passant par le nord de la France, la Belgique, la Hollande, le nord de l’Allemagne pour atterrir à l’île de Sylt. L’année suivante, nous sommes partis avec le fourgon aménagé de Maryvonne jusqu’à la frontière germano-danoise, point de départ du périple où nous avons laissé le véhicule. Nous avons longé la côte ouest du Danemark du sud au nord avant d’emprunter un ferry pour compléter le circuit au sud de la Norvège. L’année dernière Françoise s’est jointe à nous pour entamer la troisième saison nordique (cinquième de la série) pour traverser la Norvège de Bergen à Oslo en s’aventurant sur la mythique piste Rallarvegen et pour descendre par la suite jusqu’à Malmö en Suède. Cette fois-ci nous avions pris notre voiture qui était chargée comme une « bourrique ».
Pour cette quatrième saison dans les pays du Nord (sixième da la série), nous voulions faire la Finlande, du sud au nord, si possible jusqu’au Cap Nord mais cela n’était pas réalisable en une saison. Nous avions deux options : le sud du pays ou le nord. Maryvonne, pour des raisons personnelles, et Françoise, pour des raisons professionnelles, ne pouvant pas se joindre à nous pour cette saison, nous avons décidé de partir à deux comme au début et nous avons opté pour le nord. Le déplacement en voiture des deux derniers voyages ne nous avait pas laissé de bons souvenirs. Nous avons exploré d’abord la solution avion, mais elle s’est avérée trop compliquée et trop contraignante. Le train l’était tout autant. Nous avons finalement opté pour le déplacement en voiture. Ce fut dur et interminable : trois jours et demi de voyage, 3330 km parcourus avec des conditions de circulation, comme d’habitude exécrables pour traverser la Belgique, le Pays Bas et l’Allemagne en raison de l’intensité du trafic. Par contre, la traversée de la Suède, certes très longue (1600 km) ne fut pas difficile. Au terme de ce long voyage nous sommes arrivés à Rovaniemi au début de l’après-midi du 13 juillet. Nous sommes allés dans un camping très confortable à 6 km de Rovaniemi (120 m d’altitude d’après mon GPS, comme notre demeure au Mans), très agréable et confortable, à tel point que nous y avons séjourné durant deux nuits dans une cabane bien équipée avec draps et serviettes fournis !
Nous étions prêts pour le départ vers les routes du nord. La Laponie est en effet très peu peuplée et ses infrastructures routières sont limitées. Je ne parle même pas de pistes cyclables, quasi inexistantes sauf aux abords des rares villes, un grand changement par rapport aux autres pays du Nord de l’Europe.


Mise en bouche [Mercredi 15 juillet, premier jour de vélo : Rovaniemi-Korvalan (Tiainen), distance parcourue 62 km. pédalage 4h07 (durée totale du trajet 5h45), 235 mètres de dénivelé positif]
Ce matin (15 juillet), tôt (7h30), nous avons chargé nos montures et nous avons pris la fameuse route E75, fréquentée en particulier par des camions semi-remorques qui transportent du bois (par chance ils montaient à vide vers le Nord), des camping cars, des motos et des caravanes en quête du trophée « Cap Nord » et quelques autochtones en voiture, quasiment pas de cyclistes. La circulation n’est pas dense mais rapide, car, ici, sur les routes classiques bien dégagées, la limitation de vitesse est de 100 km/h ! Quand un semi, même vide vous double, c’est plus qu’impressionnant. Pourtant à part de rares exceptions, ils s’écartent énormément comme s’ils doublaient un véhicule normal. Pour que nous ne soyons pas dégoutés dès le premier jour, Roselyne a souhaité ne rouler que 62 km (le prochain camping se trouvait 60 km plus loin) et nous avons profité d’un camping au bord d’un beau lac (tous les campings sont situés au bord d’un lac ou d’un cours d’eau, il paraît qu’il y a plus de 180000 lacs en Finlande, d’après le « Guide du Routard !), mais habité par des moustiques pas du tout gentils. Cependant, il faisait un temps heureusement magnifique, très ensoleillé, quoique frais (12-13°). Alors que j’étais prêt à faire encore autant de km pour arriver à une ville qui a pour nom : Sodankylä (prononcez sodanculé ou sodanculâ), ce n’était finalement pas mal de ne faire qu’une demie-étape ! Nous avons fait la connaissance d’un couple suisse francophone et de 3 de leurs 4 enfants (des jeunes) qui nous ont donné pas mal d’informations utiles.


Le fil d’Ariane est momentanément rompu [Jeudi 16 juillet, deuxième jour : Korvalan-Peurasuvanto, 133 km., 7h25 (11h05), 569 m. d.p.]
Le paysage de la veille n’a pas beaucoup changé, c'est-à-dire, une route relativement plate, avec des courbes plus ou moins douces et beaucoup de faux-plats, bordée de part et d’autre par une forêt interminable assez dense, composée essentiellement de bouleaux, de saules et de sapins, probablement des épicéas, et de lieu en lieu, des lacs plus ou moins étendus, et partout, des moustiques qui attendent que tu t’arrêtes pour donner l’assaut. Si tu n’as pas pris la précaution de te pulvériser de la tête aux pieds avec des produits anti-moustiques, tu es mort ! Il faut vraiment vivre cette situation pour en parler, c’est très impressionnant, stressant, voire angoissant. Si, avant de mettre le nez dehors, tu as eu le bon geste, ils t’attaquent quand même mais ils dévient de leur trajectoire tout près de ton corps et tu as l’impression d’être entouré d’un scaphandre invisible, ou encore mieux, comme dans certain films de science-fiction, enveloppé d’un champ magnétique qui te protège, mais ils tournoient autour de toi pour trouver une faille, une fenêtre ouverte et ils y arrivent parfois, surtout chez Roselyne. Ces attaques incessantes de maudites hordes de moustiques vont durer jusqu’en Norvège.
Ce matin-là, en partant du camping Korvalan, en amont de Tiainen, nous avions repéré un camping à moins de 100 km, situé 30 km au-delà de la fameuse ville de Sodankylä, dans un village légèrement écarté de la E75 (Petkula). Arrivés sur place, pas de camping (on apprendra plus tard dans l’après-midi que la dame assez âgée qui tenait ce camping ouvrait ou fermait son établissement au gré de son état de santé). Ce jour-là, pas de chance… Nous avons voulu récupérer notre route en continuant sur le demi-cercle qui nous avait mené à Petkula, mais nous avons pris trop tôt une route située sur la droite, récemment asphaltée mais sans signalisation au sol. Ce n’est qu’au bout de quelques km que nous avons eu des doutes, en particulier, à travers mon GPS qui ne montrait aucune trace de cette route et, de plus, nous partions vers l’ouest au lieu du nord ! Nous sommes finalement arrivés au bout d’une impasse, au milieu de nulle part : « There is no road here ! This is a mine !», nous a dit un couple qui sortait d’un bâtiment flambant neuf situé derrière une barrière, au bout de la route, probablement cette mine ! Nous avons fait demi tour pour rattraper la fin de la demi-boucle et retrouver la route E75. Le prochain camping se situait 50 km plus loin, alors que nous avions déjà largement dépassé la centaine de km avec le bonus de 15 km. Nous nous sommes renseignés auprès du patron d’un café-restaurant-magasin de souvenirs (produits Sami) situé au bord d’un lac. « Il faut encore rouler une quinzaine de km pour trouver un complexe hôtelier (Kiveliön Kala) qui propose également des cabines », nous dit-il. Nous étions fatigués mais il fallait continuer car nous ne voulions pas faire de camping sauvage. Evidemment ce type d’établissement est bien, mais il faut y mettre le prix et c’est ce que nous avons fait, en louant une cabine bien équipée (kitchenette, toilettes, lavabo et draps et linge de toilette fournis –ce qui est rare dans les pays du nord pour ce type d’hébergement) ! Etant donné que nous avions largement dépassé le cercle polaire, nous n’étions pas stressés par la nuit qui, vous pensez bien, n’arrive jamais, mais par la fatigue qui était bien présente.
Depuis deux jours, les yeux rivés sur l’asphalte qui file sous nos roues, je me suis rendu compte que j’avais monté à l’envers les nouveaux pneus spécifiques de nos vélos. Installé à l’extérieur de la cabine, j’ai voulu les remettre à l’endroit, mais j’ai été attaqué par une nuée de moustiques très agressifs si bien que j’ai dû battre en retraite et les remonter à l’intérieur. La pression et la menace de ces bestioles était telle que, je m’en rendrai compte plusieurs jours après, un des pneus est resté monté à l’envers (sur ce type de pneu il y a un sens de rotation qu’il faut respecter). Après la douche, nous avons dîné dans notre cabine et nous nous sommes endormis rapidement, après avoir réglé le réveil à 6 heures, car le lendemain, encore une centaine de km nous séparaient du prochain camping dans la ville d’Ivalo.


La guerre est déclarée [Vendredi 17 juillet, troisième jour : Peurasuvanto-Ivalo, 105 km., 5h53 (9h56), 649 m. d.p.)]
Après une bonne nuit de sommeil dans des draps propres, nous avons repris la route vers 8 h du matin sous un soleil déjà bien haut. Le paysage commence à changer doucement : on commence à grimper davantage, et à connaître l’ivresse de la descente. Des collines apparaissent, des lacs d’altitude, mais nos moustiques sont toujours là. Dès le troisième jour, s’armer avec les produits anti-moustiques est devenu un geste tout à fait naturel ! Après la monotonie de la route parcourue jusque-là, il faut mériter la petite ville de Saariselkä, une station de ski située à plus de 300 mètres d’altitude (les sommets ici dépassent à peine les 450 mètres d’altitude !), à une trentaine de km d’Ivalo. Tout a changé : le paysage, la faune et la flore. Autant la montée était douce, autant la descente vers la ville de notre destination est raide et donc rapide, parfois trop rapide, et on a bien apprécié nos freins à disques hydrauliques ! Arrivés aux portes d’Ivalo, à la réception du camping, le couple devant nous ayant loué la dernière cabine, nous nous sommes contentés de notre tente que nous avons montée à côté d’un fourgon immatriculé en GB, à l’intérieur duquel se trouvait un couple, à première vue, légèrement plus âgé que nous. Pourquoi parler d’eux ? Parce qu’il ont occupé dans la minuscule et unique cuisine du camping les deux réchauds et la bouilloire. On a voulu demander combien de temps ils allaient occuper tous ces appareils. Réponse : « ten minutes », aucune construction de phrase, pas un regard, bref, aucune politesse !. Nous avons attendu plus que cela et je remarque que les deux plaques électriques étaient réglées au minimum. Bref, on s’est trouvé dans une fâcheuse situation. D’autant que les jeunes filles de la réception, très serviables et gentilles, nous avaient signalé qu’il y aurait une soirée musicale dans leur deuxième restaurant situé à l’extérieur. Vous pensez bien que dans la nuit, qui n’en est pas une, nous n’avons pas bien dormi. Heureusement, une étape plus courte nous attendait le lendemain.


Mars attaque [Samedi 18 juillet, quatrième jour : Ivalo-Kaamanen, 71 km., 4h17 (6h51), 494 m. d.p.)
Oublié le couple britannique, oublié la musique de « nuit », oubliée la fraîcheur de nuit, après le petit déjeuner dans la minuscule cuisine, nous avons repris la route vers 9h., direction Inari, puis un camping-hôtel qui se situe au carrefour de l’E75 qui monte vers le nord et de l’E6 qui part vers l’ouest et le Cap Nord (tout près de la localité Kaamanen). Après le col de plus de 350 mètres de la veille, une route relativement vallonnée nous a menés jusqu’à la petite ville d’Inari avec ses boutiques de souvenirs (essentiellement tournés vers la culture Sami) et ses commerces pour les touristes en car et les camping caristes qui font leur stock de nourriture et alcool, car la vie en Norvège est relativement chère. La ville se situe au bord d’un lac immense (Inarijarvi, 118 m d’altitude) qui déverse ses eaux dans la mer de Barents, à travers d’innombrables lacs en cascade qui communiquent entre eux, (en réalité vers de nombreux fjords situés autour de Kirkenes, la ville la plus à l’est de la Norvège !). Sur le port, nous avons même vu un catamaran à côté de toute une flottille de bateaux petits et grands, plutôt sans qu’avec voile. Nous avons alors essayé d’imaginer l’aspect que prendra le paysage, une fois le lac gelé. Mais ces maudits moustiques nous interdisaient de rêver en nous attaquant de toute part ! Nous avons déjeuné debout, en nous agitant pour les chasser, car nos scaphandres anti-moustiques n’avaient plus d’effet ! Nous avons repris la route dans la précipitation et avons entamé une longue montée jusqu’à notre destination.
La patronne du camping nous a proposé une chambre dans le bâtiment de la réception, en fait sa propre maison. A l’étage, il y avait trois chambres, un grand salon, une douche bricolée et une kitchenette équipée. Faute d’autres clients, tout l’étage était pour nous. Et nous nous sommes bien reposés et avons bien dormi, à tel point que nous étions en retard pour le petit déjeuner prévu à 7 heures que la propriétaire (on suppose) des lieux, une petite femme, timide mais très serviable, avait réussi à nous vendre la veille, mais pas la location des draps.


Aux portes de la Norvège : [Dimanche 19 juillet, cinquième jour : Kaamanen-Karigasniemi, 73 km., 4h11 (6h29), 686 m. d.p.]
Le lendemain, nous avons repris la route vers 9h30., par un temps couvert. Ça y est, nous sommes désormais sur la route du Nordkapp , qui suit fidèlement le relief, donnant au parcours des allures de montagnes russes ! C’est amusant, voire excitant, lorsque l’on descend mais aussitôt, il faut grimper des côtes pas très longues mais à 8, 12, voire 13 ou 14% on ne rigole plus, il faut cravacher dur pour franchir les derniers mètres avant d’attaquer les suivantes immédiatement. De 110 m, nous sommes montés jusqu’à 350 m. de dénivelé et ce, à maintes reprises. Les 5 camping caristes français, amis des chiens (dans chaque camping car il y avait deux chiens de secours en milieu aquatique), que nous allons rencontrer le lendemain nous féliciteront pour cet exploit ! Pourtant, d’après mon GPS, nous n’avons pas grimpé autant de dénivelé positif que l’on croyait. A mi-chemin, nous avons attaqué un plateau, certes légèrement vallonné, qui nous a amené à un café-restaurant-réception de camping situé au milieu de nulle part, pas d’habitations aux alentours ni de carrefour, cependant très pittoresque, vu de l’extérieur. A l’intérieur du bâtiment, on se serait crus dans la caverne d’Ali Baba, cependant bien ordonnée. Sur les murs étaient accrochés des tas d’objets rappelant la culture Sami, dont une peau d’ours, sur les tables étaient présentés des souvenirs de toutes sortes. Lorsque nous avons commandé nos boissons chaudes, le vieux monsieur derrière le comptoir, très gentil, très accueillant, très souriant, nous a fait comprendre d’un geste que c’était en self service. Vu l’ambiance familiale de cet établissement, on s’est dit qu’on aurait bien voulu y séjourner et on l’a même noté sur son livre d’or. Hélas, nous n’avions fait que quelques dizaines de km. Peu avant notre départ, il est venu avec dans ses mains deux écussons de son établissement qu’il a voulu coller lui-même sur nos sacoches, et un guide prospectus en anglais sur le nord de la Norvège. Il nous a assuré que la route était désormais moins accidentée (il avait tort), qu’elle descendait doucement jusqu’à la frontière (alors qu’on monté davantage que le matin) et qu’à l’arrivée à Karigasniemi (ville frontalière), la descente était très pentue. Sur ce dernier point, il avait raison (pour l’instant j’y ai battu mon record de descente, avec nos bardas en plus : 62 km/h !) Arrivés au seul camping du village, nous avons loué une cabine. En plein milieu du camping se trouvait un barbecue et une fumoir avec un tas de bois mis à disposition. On avait la possibilité de faire des grillades, et même de fumer de la viande ou du poisson (j’ai utilisé les deux procédés). Dans ce petit village frontalier, il y avait aussi deux supermarchés destinés aux touristes mais surtout aux norvégiens qui y font leur approvisionnement en nourriture et en alcool, les plaques d’immatriculation des véhicules sur le parking en étaient témoin.


C’est bien la Norvège Lundi 20 juillet, sixième jour : Karigasniemi-Skoganvarre (Norvège), 70km., 4h21 (7h04), 529 m. d.p.]
Ça y est, nous changeons aujourd’hui de pays, tout en restant en Laponie qui s’étale au nord de quatre pays : Norvège, Suède, Finlande et Russie. C’est la rivière Deatnu (Tana), déversant ses eaux au nord à Tanafjorden qui marque la frontière entre les deux pays. Les frontières au nord de la Finlande ont été modifiées à la suite de la deuxième guerre mondiale, privant la Finlande du contrôle de toute une partie du nord de la Laponie, et d’un accès à la mer, au bénéfice des Norvégiens qui avaient combattu les Nazis. Encore une petite descente vers le pont et on est en Norvège. Le paysage change tout de suite, le relief est relativement accidenté, le moindre terrain gagné ici et là est exploité, les fermes sont plus visibles, les maisons mieux aménagées. De plus, la route grimpe plus longtemps qu’en Laponie finnoise avec des pentes plus longues et l’inclinomètre du GPS le montre bien. A mi-chemin, nous croisons une jeune cycliste autrichienne sur un petit espace de parking où elle fait une pause pour terminer la longue côte que nous commencions à descendre. Figurez-vous qu’elle fait des études de sociologie ! On échange quelques informations et on lui souhaite bonne continuation dans le long périple qu’elle vient de commencer à partir d’Alta (où elle est arrivée en avion) pour descendre, en trois à quatre mois, vers le sud en traversant la Finlande, les Pays Baltes, la Pologne et l’Allemagne, avant d’arriver dans son pays ! Pour nous adapter à la géographie physique de la Norvège, nous décidons de nous arrêter tôt et nous nous installons dans un camping situé à nouveau au bord d’un lac et nous prenons encore une cabine, chère, très chère par rapport aux services proposés. Bienvenue en Norvège.


Souvenirs, souvenirs Mardi 21 juillet, septième jour : Skoganvarre-Stabbursnes, 42km., 2h39 (4h04), 284 m. d.p.]
Habituellement, au bout de six jours de pédalage, nous prenons une journée de pause. La veille sur nos cartes nous avons repéré un camping à 40 km et avons décidé de faire une demie étape. Nous avons commencé à nous poser des questions sur la faisabilité de continuer notre périple jusqu’au Cap Nord. Sur les derniers 130 km., il faut prendre plusieurs tunnels dont un qui passe sous la mer pour accéder sur l’ile de Magerøya. D’après le témoignage sur le Net d’un savoyard la descente et la remontée y sont très raides. On cherche alors sur la toile et dans les points d’information pour touristes une solution de transport en car, en vain ! Nous décidons de nous renseigner au carrefour des E6 et E69 qui monte vers le « Nordkapp ».
Tout au long de notre périple, les conditions d’hébergement vont déterminer la longueur de nos étapes. Lakselv, petite ville située au fond d’un bras de mer (ou d’un fjord ?) appelé Porsangen, disposant même d’un aérodrome, est un carrefour important entre les routes de la Finlande, du Cap Nord et de Kirkenes, ville la plus à l’est de la Norvège, tout près de la Russie. Au nord de celle-ci se trouvent trois immenses presqu’îles quasiment inhabitées qui sont entrecoupées par trois fjords assez longs. En définitive, Lakselv est un point stratégique, une sorte d’oasis où l’on peut se ravitailler notamment, dans le grand nord scandinave si perdu, si éloigné. En quittant Lakselv aux alentours de midi, nous avons tout de suite longé la côte à l’ouest de Porsangen et j’ai reconnu instantanément l’aire de repos où nous nous étions arrêtés avec notre camping car en 2003, où nous avions rencontré Rose-Marie, ornithologue Suisse, qui voyageait avec sa petite voiture sur laquelle était fixée une tente escamotable, qui était d’ailleurs devenue une attraction pour les touristes en car, en route pour le Cap Nord. Pourtant, ce lieu sympathique n’avait rien de particulièrement attirant, à part ses toilettes sèches que nous avons toujours évité de fréquenter. Peut-être était-ce le souvenir de notre premier voyage il y a douze ans avec le camping car, Rose-Marie, ou notre premier soleil de minuit ? Et pourtant beaucoup de cars, de camping cars et d’automobiles font une halte sur ce parking.
Pour éviter une étape très longue le lendemain, nous sommes arrivés assez tôt au camping, comme prévu, car nous n’avions pédalé qu’une quarantaine de km, ce qui nous a permis de prendre une demi-journée de pause, pour notamment faire la lessive. Dans le camping, deux jeunes maîtres verriers ukrainiens, étudiants en beaux arts à Donetsk, posaient des vitraux dans une chapelle en bois érigée en plein milieu de notre terrain de camping. La réception était tenue par une jeune femme russe et le gérant était d’origine étrangère, probablement appartenant à une des minorités de Russie. Le nord de la Norvège prend déjà des allures de melting-pot ! d’après le témoignage d’un cycliste américain, on trouve encore plus au nord des réfugiés kosovars, de l’ouest africains…


Rencontre fortuite Mercredi 22 juillet, huitième jour : Stabbursnes-Oldernes, 77km., 4h43 (8h01), 705 m. d.p.]
Le matin de ce huitième jour, nous sommes partis tôt, (en fait plus tôt que nous le croyions, nous allions le comprendre le lendemain). Ce matin-là, il faisait froid, sensation amplifiée par le vent de face qui soufflait pourtant modérément. Hier soir, en consultant notre carte, on pensait que la route qui longeait la mer serait facile. Détrompez-vous, on montait et on descendait sans cesse, on quittait le bord de la mer pour prendre un col de 200 m., une autre un peu plus, une autre un peu moins. Lorsque l’on pédalait au bord de l’eau, l’effet de l’humidité combinée avec le vent me rappelait les vacances de neige en altitude et vous savez, ce froid qui commence à traverser votre corps et le bout de vos doigts qui commence à geler ! Cette sensation sera confirmée par la motarde savoyarde que nous allons rencontrer durant la pause du midi dans la station service du carrefour des E6 et E69. Enfin, pendant les derniers kilomètres, en virant vers l’ouest, nous avons eu brièvement le vent dans le dos: on était emporté, on sentait moins le froid et l’humidité. Arrivés à ce carrefour, avec ses magasins de souvenirs et ses restaurants, nous avons fait nos courses dans une des stations services et nous voulions pique-niquer dehors à une des tables mises à disposition mais nous avions tellement froid avec ce vent venu de la mer que nous avons demandé s’il était possible de consommer nos victuailles à l’intérieur. Nous nous sommes installés dans le petit salon de cette station service, à côté des toilettes, à la seule table disponible. De fait, on ne passait pas inaperçus et on voyait les gens défiler vers ce coin des commodités. C’est comme cela que nous avons fait la connaissance de Patricia, motarde BMW’iste, selon ses propres termes. Nous ayant entendus parler en français (au moment où Roselyne prononçait le nom de la ville La Rochelle), elle a tout de suite réagi en français. En faisant la queue, Patricia nous a tenu compagnie, laissant passer tout le monde devant elle. La conversation a duré au moins une demi-heure, sinon plus. On a parlé des 24 heures motos, des motards et motardes, du pays, de la Savoie, du Cap Nord, des routes, des moustiques qui s’attaquent à nos fesses lorsqu’on est obligé de faire ses besoins dans la nature. Bref, ce n’était pas un monologue mais un vrai dialogue avec des répliques, des rires, des étonnements. Parfois ce type de rencontres si éphémères, si spontanées créent de la confiance, de l’amitié, de la sympathie voire de l’empathie. Nous nous sommes invités mutuellement, elle a pris notre mail et nous avons quitté la station ensemble. Cependant, nous n’avons pas trouvé de solution pour faire une escapade en car au Cap Nord (à 130 km de là) pour voir le soleil de minuit que nous avions contemplé il y a 12 ans exactement. Le voyage en vélo étant risqué et long, la route étant chargée, il nous fallait au moins 4 jours pour couvrir les 260 km aller-retour, avec les tunnels et des dénivelés importants, plus un jour sur place. Nous y avons renoncé et je me suis contenté d’acheter un autocollant du Cap Nord que j’ai fixé tant bien que mal sur le cadre de mon vélo avec émotion et précipitation mais aussi avec un léger sentiment de culpabilité. Nous avons pris la direction d’Alta et, après 25 minutes de pédalage en grimpant une longue côte fatigante, nous avons amorcé la descente vers Oldernes, parcourant un paysage magnifique : montagnes à moitié pelées, où seuls poussent quelques bouleaux et saules nains, les névés que nous apercevions de loin sont désormais tout près. Dans le camping de Repparfjord à Oldernes, nous avons beaucoup apprécié la chambre qui nous a été proposée à un prix raisonnable.


Coucher de soleil sans Cap Nord [Jeudi 23 juillet, neuvième jour : Oldernes_Øvre Alta, 98km., 6h05 (9h46), 943 m. d.p.]
Nous avons attaqué notre neuvième jour sans véritable pause, tôt le matin. Sur la route d’Alta, pourtant importante (la seule qui mène vers le nord), il y avait très peu de circulation. C’est là que nous avons réalisé que nous étions toujours à l’heure finlandaise. Nous nous étions donc levés à 5h du matin, pas étonnant que tout le monde dormait au camping ! Nous avons entamé une longue montée qui suivait une vallée, si l’on peut dire ainsi car le terrain est tellement accidenté que cette vallée de Repparfyord ne ressemble à aucune autre. Malgré la montée soutenue, je me sentais heureux, émerveillé devant cette nature, ce paysage, ces collines, ces cours d’eau en cascade, ces névés, cette végétation luxuriante, ces torrents, impressionnants parfois. J’ai pensé alors au voyage des saumons de l’Atlantique qui remontent ces eaux si limpides, si claires, si rapides et aux pêcheurs qui les attendent au tournant. Je l’ai toujours répété à mes amis, la Norvège est le plus beau pays du monde… quand il fait beau et ensoleillé. Et nous avons de la chance, il fait beau aujourd’hui, on n’a qu’à pédaler pour arriver une centaine de km plus loin. A un tiers de la route, nous nous sommes trouvés sur un plateau très exposé aux vents du nord et du sud, les bouleaux sont à moitié desséchés, seules les extrémités supérieures des branches sont feuillues. C’est un paysage désolé, chaotique, traversé par cette rivière qui porte ses eaux vers l’Atlantique au fond du Repparfyord. Après une autre montée toujours lente et douce nous avons attaqué un deuxième plateau, comme le premier, parsemé par des habitations (des cabanes et de belles maisons), d’été probablement. On trouve même au beau milieu de ce « no man’s land » une chapelle ! La rivière perd de sa puissance, elle devient un vulgaire cours d’eau ! Depuis ce long plateau, on voit loin. La veille, au camping, un jeune cycliste allemand avait évoqué cette route, en accompagnant ses paroles de gestes dignes d’un chef d’orchestre symphonique dirigeant une valse, dérivant ses pentes et ses montées douces et longues et son panorama. J’ai mieux apprécié ses explications poétiques en parcourant cette dernière. Une fois passé un col à plus de 400 m., et c’est une altitude très respectable ici, dans ces montagnes qui ont l’aspect des Alpes mais plus basses ou plutôt écrasées, le paysage désolé a radicalement changé. A côté des bouleaux et saules plus vigoureux, on trouve beaucoup de conifères formant des forêts denses. Les sommets des collines sont plus pointus. Un lac d’altitude apparait devant nous avant d’arriver sur les bords de l’Altafjorden au fond duquel se trouve justement la ville d’Alta. Une drôle de ville de vingt mille habitants qui s’étale sur une dizaine de km. Nous commençons à sentir dans nos muscles les montées et les descentes de la journée. Le camping que nous avions repéré se trouve au sud ouest de la ville, au bord de la route qui nous ramènera vers la Finlande. Nous avons donc décidé de faire la pause hebdomadaire que nous voulions prendre depuis plusieurs jours. Cependant, malgré la fatigue, vers 11h du soir, nous avons pris nos vélos pour contempler le « coucher » du soleil au bord de la mer, en ville, à 5 km. de notre camping. Nous ne nous sommes pas trop attardés car nous savions que le soleil disparaitrait derrière les montagnes imposantes des nombreuses îles du fjord d’Alta et que nous ne pourrions pas véritablement voir le soleil à minuit.
Le lendemain, le jour de repos nous a permis de remettre à jour nous carnets de notes et de nous reposer presque sans vélo, car dans la journée nous sommes retournés à la ville pour faire des courses pour les jours à venir. Nous avons préféré la pause à une visite du Musée d’Alta, très intéressant sur la civilisation viking, que nous avions visité il y a douze ans. A part cela, le camping où nous étions est un lieu de passage pour les « pèlerins » du dieu soleil éternel (en été) du Cap Nord. A Øvre Alta il existe trois campings, mais ils font apparemment le plein tous les jours : cabanes, emplacements de camping-cars et de caravanes et même de tentes étant toujours occupés, ce que nous avons pu observer en restant plus de 24h sur place.


Direction le Sud [Samedi 25 juillet, dixième jour : Øvre Alta-Masi (Máze), 69 km., 4h21 (6h04), 746 m. dp]
Les jours commencent à se ressembler. Partis du camping le matin vers 8 h, nous avons entamé une longue et douce montée, la végétation est dense et variée, jusqu’à ce qu’une signalisation nous annonce une montée à 8% durant 6 km. On voyait déjà de loin cette partie de collines infranchissable. Nous avons pénétré dans une gorge étroite : d’un coté de la route, la rivière (un rapide en fin de compte) et de l’autre une paroi verticale dont le panneau de signalisation en amont indiquait l’éventuelle chute de pierres ! En réalité les 8% correspondaient à une moyenne, je l’ai compris lorsque le pédalage est devenu très tendu ( exécuté en 30*30) et que mon GPS indiquait 11 à 12% de pente ! Un peu plus loin, sortis de cette montée abrupte, nous avons pédalé au bord d’un lac d’altitude durant plusieurs km, comme si on était sur du plat et nous avons avalé, sans coup férir, les petites montagnes russes. Hélas, les moustiques ont refait leur apparition à chaque pause ! Arrivés à plus de 350 m. d’altitude, le paysage a à nouveau changé : les conifères ont disparu, il n’y a que des bouleaux et saules , moins vigoureux sur les hauteurs. Nous avons commencé à nous inquiéter de savoir si nous allions trouver un lieu d’hébergement dans ce coin perdu de la Laponie norvégienne, sinon nous serions obligés de nous farcir 130 km. D’après notre carte assez détaillée, il y avait un établissement à mi-chemin. Donc le choix était fait : dans la petite localité qui s’appelle Masi ou Máze. Malgré l’absence de signalisation, on descend au niveau de la rivière où se trouve le charmant petit village mais il faut rebrousser chemin et remonter sur la route 93 car c’est là que se trouve le camping signalé sur la carte. Il s’agit d’un hébergement uniquement avec des cabanes très ordinaires, la dame de la réception ne parle pas du tout de langue étrangère. Dès notre arrivée, les moustiques nous ont attaqué avec détermination, nous nous sommes aussitôt réfugiés dans cette petite cabane sans charme et sans aucun confort. Par contre, on trouve des sanitaires impeccables, les meilleurs à ce jour. Il y a peu de clients, seuls quelques pêcheurs autochtones qui ont laissé le sauna encore en fonction et j’en ai profité : pour la première fois de ma vie, j’ai transpiré durant une demi-heure dans un sauna ! On se dit avec Roselyne que dans les prochains jours on s’en paie un.

dimanche 31 juillet 2011

De Turnu Magurele à Constanţa


Ça y est, nous sommes à Constanţa, voici le récit de notre dernière semaine :

Le lendemain de notre jour de pause (26 juillet), au petit matin, nous nous sommes réveillés avec le vacarme d'un orage assez violent. Juste après le petit déjeuner, il a disparu en laissant le ciel à moitié couvert mais pas menaçant. Sur plus de 20 km, la route était boueuse en particulier dans les villages, rendant la chaussée difficilement praticable pour nos vélos couchés toujours aussi chargés. Je rassure les lectrices et lecteurs, je ne me suis pas tombé ! Dans ces villages, les habitants essayaient de nettoyer leurs portions avec les moyens du bord, c'est-à-dire rudimentaires.
Le matin, les enfants n'étant pas encore levés, la traversée de ces localités interminables se déroule de la même manière : adultes intrigués et surpris nous applaudissent, nous interpellent bruyamment ; automobilistes et camionneurs amusés klaxonnent parfois avec insistance, ralentissent pour mieux scruter nos vélos. Beaucoup de chiens nous courent après en aboyant ou contraire s'enfuient.
Lorsque les enfants apparaissent au bord de la route, les choses deviennent à la fois plus sympathiques et aussi plus compliquées. Sympathiques car, très vivants et joyeux, ils nous saluent en anglais, en portugais (effets des séries télévisées brésiliennes ?), en espagnol, en roumain évidemment, rarement en français et encore en d'autres langues dont nous n'avons pas pu identifier les origines. Cela devient plus compliqué et dangereux lorsqu'ils s'alignent sur le bord de la route pour nous taper dans la main, risquant de nous déséquilibrer.
Après plus de 120 km parcourus sur une route un plus fréquentée que les jours précédents, nous avons trouvé un motel convenable à Giurgiu.

Toujours pour des raisons de logement, l'étape du mercredi 27 a été au contraire assez courte (75 km). Giurgiu se situe sur l'axe Sophia-Budapest reliant les deux capitales en passant par l'unique pont existant sur le Danube entre la Bulgarie et la Roumanie. Les conséquences sont inévitables : la circulation en tout genre y est dense : la sortie de la ville a été difficile et angoissante sur une route à forte circulation pendant 15 km, route à quatre voies et, qui plus est, dépourvue de piste cyclable et de bande d'arrêt d'urgence. Par la suite, la route est devenue plus calme, traversant une suite ininterrompue de localités. En début de l'après midi, en arrivant à Oltenita, nous avons reçu un très bon accueil à la pension Azaro où nous sommes restés, sinon il aurait fallu faire encore plus de 80 km pour trouver un logement. Inutile de chercher des campings qui n’existent pas, même quand ils sont signalés sur les cartes ou dans les guides !

L'étape du jeudi 28 nous rapprochait de plus en plus de notre destination finale. Nous avons visé la ville de Silistra en Bulgarie. Nous y sommes arrivés en début de l'après-midi sans encombre en traversant notamment le Danube par un bac que nous avions déjà pris avec Maryvonne il y a 19 ans ! Les douaniers et la police des frontières nous ont conseillé l'hotel le plus chic de ville (5 étoiles) ! Nous avons passé la nuit dans un autre hôtel, très récent et impeccable pour un prix moitié moins élevé que ceux pratiqués en Roumanie. L'arrivée dans l'après-midi nous a permis de visiter la ville, de retourner voir le Danube et de déguster la cuisine bulgare qui ressemble beaucoup à celle des serbes. Le seul problème que nous avons rencontré a été la difficulté de consommer sur place sans monnaie locale (leva).

Vendredi matin nous avons quitté Silistra, retraversé la frontière, les mêmes douaniers nous ont demandé si nous étions contents de notre très court séjour dans leur pays. Nous avons tout suite attaqué une petite pente pavée, sur la rive droite du Fleuve. D'après les guides, cette partie de l'itinéraire est un des plus accidentés de l'EV6. Étant donné que nous avions encore près de 140 km à faire et vu les difficultés du terrain, nous avons visé la ville de Ion Corvin, à 60 km de notre départ, où, d'après un cycliste américain que nous avions croisé à la pension Azaro d'Oltenita, il y avait une pension correcte. Exténués par quelques côtes à plus de 11 % sur des pentes pavées, nous y sommes arrivés en début d'après-midi sous une chaleur accablante. Nous avons trouvé les prix pratiqués chers au vu des services proposés par cette pension. Nous avons malgré tout décidé de rester sur place tant en raison de la distance à parcourir jusqu'à Constanta, des difficultés annoncées et surtout à cause d'un ciel menaçant qui a bientôt commencé à déverser une bonne quantité d'eau. Durant cette avant-dernière étape, il nous est arrivé un incident qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. En traversant la localité de Negureni qui se trouve sur une descente assez rapide près de Ion Corvin (Yves était déjà devant, Maryvonne me suivait de près et Roselyne une centaine de mètres plus haut), on avait l'impression de loin que deux adolescents, torse nu, se chamaillaient. Nous nous sommes tout de suite rendus compte que c'était une vraie bagarre très violente entre deux jeunes. Au moment où je suis arrivé à leur niveau, le jeune homme qui était le plus touché (corps ensanglanté) a laissé tomber son adversaire et il a marché sur moi. J'ai appuyé sur les pédales de toutes mes forces, réussissant à m'échapper, et je me suis arrêté une dizaine de mètres plus loin pour descendre de mon vélo. C'est là que je me suis rendu compte que cet énergumène avait arraché mon fanion et il s'en servait pour attaquer Roselyne à qui j'ai crié de foncer, ce qu'elle a fait, s'en sortant sans une égratignure ! Maryvonne en me doublant m'a calmé et m'a conseillé de ne pas aller rechercher mon fanion. Et tous les trois nous avons pédalé très fort (heureusement que c'était une descente) avant de nous arrêter un km plus loin pour nous remettre de nos émotions. Quelques minutes plus tard, une voiture s'est arrêtée à notre niveau et un autochtone en est descendu pour me remettre mon fanion, tâchant de nous expliquer qu'il était désolé de ce qui s'était passé et s'excusant pour le déséquilibré responsable de l'incident, « he's crazy » disait-il faisant le geste adéquat. Après tout, ce n'est qu'un épi-phénomène. Cela aurait pu se produire n'importe où ailleurs.

Le samedi 30 juillet : c'est le dernier jour de notre périple de l'EV6 ! Nous avons quitté la pension assez tôt (6h30) pour affronter les nombreuses côtes annoncées par nos documents en profitant de la fraicheur matinale. Est-ce parce que c'était la fin du voyage ou parce que nos muscles étaient bien endurcis, en tout cas, cette étape ne nous a pas paru difficile et nous sommes arrivés à Constanţa au début de l'après-midi. Nous étions heureux et satisfaits de notre voyage et de notre « exploit ».

Nous allons sélectionner ensemble les photos de la dernière étape et les publier dans les jours à venir. Avec le recul nécessaire pour objectiver, nous allons créer aussi un chapitre sur les points pratiques, sur nos coups de cœur et nos coups de « gueule ».

A très bientôt,
Servet et Roselyne

Bilan de la semaine
Distance parcourue : 416 km ;
Ascension totale : 1937 mètres
Temps réel parcouru : environs 24h40, soit plus de 16,3 km/ toujours avec nos avec nos « bardas »

lundi 25 juillet 2011

Compte-rendu de la semaine de Belgrade à Turnu Magurele (Roumanie)























Avant d'arriver à Belgrade, nous avons appris que la famille Hilbert qui s'était arrêtée temporairement en Hongrie avec l'intention de nous rejoindre à Belgrade en train, a dû finalement renoncer à poursuivre le voyage. En effet, Hugo, convalescent, sera rapatrié avec sa mère tandis que son frère et son père rentreront à Colmar à vélo par l'EV6. C'est une grande déception pour eux surtout, et pour nous aussi qui ne sommes plus que quatre.

Le jour de pause (lundi 18) à Belgrade nous a permis de faire une grasse matinée, des petits réglages sur nos vélos et dans l'après-midi de visiter le centre ville fort intéressant de la capitale Serbe. Nous nous sommes promenés dans les rues piétonnes, avons visité la citadelle au milieu d'un vaste parc (Kalemegdan) qui domine le confluent du Danube et de la rivière Sava. A part les entrées et sorties de ville, Belgrade est bien dotée en pistes cyclables, en particulier à travers ses nombreux parcs. D'ailleurs, nous les avons appréciées le lendemain matin pour quitter la ville. La présence ottomane (turque) est perceptible à travers les vestiges (en particulier la forteresse), la cuisine et quelques mots captés ici et là.

Les témoignages des cyclistes de l'EV6 sont quasi-unanimes : il est conseillé de prendre un train pour traverser et sortir de la capitale Serbe. Malgré tout, le mardi 19 juillet au matin, nous avons traversé la ville sur nos vélos toujours aussi chargés. Ce fut dur, très très dur, tant pour pénétrer par l'ouest dans le centre ville que pour en sortir par le nord, malgré la gentillesse et l'attention portée par les usagers motorisés à notre égard. Probablement, notre moyen de transport et aussi la forme de nos deux vélos couchés nous rendaient à la fois courageux et sympathiques aux yeux des autochtones. Ce jour-là, vu le nombre de dénivelés et de détours sur la rive droite du Danube et l'état et la longueur des digues de la rive gauche, nous avons opté pour une route très fréquentée qui nous a fait gagner beaucoup de temps, en passant par le nord. En effet, arrivés à Pančevo par une voie rapide qui dispose heureusement d'un couloir de bus, nous avons pris le raccourci par Bavanište jusqu'à Kovin, en suivant notamment les conseils d'une famille rencontrée à la sortie de Pančevo. Il s'agissait d'un couple de personnes âgées qui ont eu l'extrême gentillesse de nous offrir chez eux du café et une grande bouteille d'eau aromatisée d'un sirop maison. Ce jour-là, il a fait extrêmement chaud et nous avons souffert jusqu'au soir en traversant les localités de Gaj, Dubovac, Vračev Gaj,sur la route classée EV6, relativement calme et en bon état. Le soir, en arrivant à Bela Ckrva, après un record de 115km, nous avons pris une chambre chez l'habitant, ce qui nous a permis de nous reposer dans d'excellentes conditions.

Le lendemain matin (mercredi 20 juillet) nous avons changé de pays en traversant les deux postes frontières. Pour poursuivre notre route en Roumanie nous avions deux possibilités : l'une, un raccourci pentu (8 % sur plusieurs km) sur une mauvaise piste, avec quelques points de vue à ne pas rater, et l'autre, un contournement de 40 km, a priori sans trop de difficultés vivement conseillé par les douaniers et autres frontaliers. En réalité, la prétendue piste difficile était une route en très bon état (choisie par Yves) alors que la route « facile » (choisie par nous trois) s'est avérée vallonnée, mauvaise et longue. Un conseil, prenez lecteurs et lectrices, le raccourci quoiqu'en disent les autochtones !
La traversée des premiers villages Roumains sur cette variante montre l'extrême pauvreté des habitants dans les campagnes. Quel choc après la Croatie et la Serbie ! A Pojejena, ville de convergence des deux variantes, le Danube s'élargit et forme un grand lac avant de pénétrer quelques dizaines de km plus loin, à Coronini, dans les Portes de Fer qui donnent au fleuve l'aspect d'un fjord, même si les parois dépassent rarement les 200 ou 250 mètres de haut. En apercevant la circulation sur la rive serbe très accidentée en face, nous sommes contents d'avoir choisi le côté roumain, mais nous comprenons rapidement qu'il n'y a pas du tout d'infrastructure pour nous loger. Après avoir fait des allers/retours entre deux ou trois localités, nous avons finalement été hébergés par une famille d'origine roumaine et allemande (voir nos coups de cœur un peu plus loin) à Port Sichevita (Pensiunea Caunita). Merci Otto ! Nous avons, à partir de ce jour, commencé à organiser nos étapes en Roumanie en fonction des conditions d'hébergement.

Le lendemain (jeudi 21 juillet), jusqu'à Orşova, nous avons apprécié l'extrême diversité des beaux paysages des deux côtés du majestueux Danube, qui a certainement mis des centaines de millions d'années à se frayer un chemin à travers la faille de ces montagnes peu élevées. Entre Orşova et le barrage hydraulique des Portes de fer, nous avons dû prendre l'unique route très fréquentée par les poids lourds et les automobilistes. Nous nous sentons bien vulnérables, pauvres minuscules cyclistes que nous sommes au milieu de cette circulation infernale. Exténués par la fatigue et par le stress, nous avons pris sans aucune hésitation le premier hôtel venu, le très chic Hôtel Continental situé à Gura Văii, à proximité de ce barrage où les Portes de fer prennent fin.

Le 22 juillet, vu la rareté des hôtels, ne parlons pas des campings quasi-inexistants, nous avons dû prendre encore un raccourci pour aller jusqu'à Calafat où selon notre guide et nos cartes il y avait des hôtels. Après m'être payé la quatrième gamelle du voyage en traversant une voie ferrée quasi-parallèle à la route (on ne sait même pas à quoi elle sert!), nous avons traversé Drobeta-Turnu-Severin puis nous nous sommes engagés sur une route à moyenne circulation, fraichement refaite pour arriver à Calafat à plus de 110 km de notre point de départ. Bel hôtel un peu désuet, le Panoramic.

Le 23 juillet, depuis Calafat nous avons roulé plus de 85 km pour arriver à un camping en traversant des villages successifs dont un certain nombre d'entre eux s'étirent parfois sur les deux côtés de la route (55A) sur plusieurs km. Visiblement cette route n'est pas très fréquentée par les cyclistes de l'EV6, car les villageois sont très étonnés de nous voir traverser leurs localités. Les sentiments sont divers et variés, des cris, des hurlements, des coups klaxons lassants, voire fatigants, les enfants nous accompagnent sur leurs vélos très déglingués sans freins, les voitures ralentissent pour mieux scruter vos engins, ils nous parlent en roumain, ils nous demandent en anglais d'où nous venons : « where are you from ? » et ce tout au long du parcours qui traverse les localités regroupées (rares) ou étirées. Nous sommes très déçus du camping que nous avons pris en fin de journée à proximité de Zăval où nous avons pris des baraques car la météo annonçait de la pluie. On nous avait prévenus, ce n'est pas une étape recommandable : il est cher, l'état des sanitaires est innommable, les rares plats et boissons proposés coûtent plus cher que ceux que nous avons consommés dans les hôtels chics de Roumanie. Mais c'est une étape obligée si l'on veut pas faire plus de 160 km dans la journée et probablement le patron du camping en est bien conscient !

Avant notre deuxième pause hebdomadaire, nous sommes partis tôt dans la matinée de ce camping à oublier rapidement en roulant sur une route pratiquement plate (230 mètres de dénivelé positif seulement) pour arriver, aux alentours de 16h30, à Turnu Măgurele. Nous avons finalement commencé à nous habituer à ces nombreuses localités qui s'étirent tout au long de la route avec la même population profondément rurale où nous croisons d'innombrables charrettes et carrioles (immatriculées!) et des piétons qui nous saluent, éberlués à notre vue, étonnés de voir de drôles de cyclistes traverser leurs « comunas ». A Turnu, ville relativement importante, vous n'avez pas le choix en matière d'hébergement : il n'existe qu'un seul hôtel nommé « Turris », derrière la Cathédrale orthodoxe, un peu cher mais accueillant, très confortable et équipé du réseau Internet ! Vous l'avez bien compris, nous sommes aujourd'hui en mode veille, ce qui tombe à point nommé, car il a plus toute la matinée, et que la météo annonce le retour du soleil avec des passages nuageux pour les jours à venir  !

Nota bene :
Ne vous inquiétez pas des nombreuses « gamelles » de Servet. Elles se produisent généralement quasiment à l'arrêt et leurs conséquences ne vont guère au-delà de quelques bleus et égratignures qui disparaissent assez vite.

Distance parcourue : 616 km ;
Altitude positive : 2382 mètres
Temps réel parcouru : environ 38 heures, soit plus de 16 km/h avec nos « bardas »