samedi 1 août 2015

Nous l’avons fait !
Vendredi 31 juillet quinzième jour : Kittilä-Rovaniemi, 158km., 8h36 (13h03), 663m. d.p.]
Oui, vous avez bien lu. Nous avons fait près de 160km dans la journée d’aujourd’hui pour terminer en beauté, en réalisant un exploit, que nous n’avions pas forcément cherché, mais les circonstances ont voulu que nous terminions notre périple en une seule journée contrairement aux deux que nous avions projetées la veille au soir. En revanche, hier soir on savait qu’il ne ferait pas beau mais que le vent au moins ne serait pas notre ennemi et l’après midi était annoncé plus clément. Tout cela pour vous dire que nous avions repéré un camping à mi-chemin du parcours Kittilä-Rovaniemi. En réalité, c’est une façon de dire car ici, monter sa tente est plutôt risqué ; en effet, souvent le sol est très humide, pour ne pas dire gorgé d’eau et deuxièmement, il faut être bien équipé pour lutter contre les moustiques, donc avoir une tente spacieuse et s’organiser différemment. D’ailleurs, on ne voit pratiquement aucun autochtone monter sa tente. Il faut ajouter à cela le fait que depuis notre voyage en camping-car il y a douze ans, la majorité des camping-caristes sont désormais les gens du pays et ils fréquentent pratiquement tous les campings au lieu de bivouaquer en pleine nature ou sur les aires de repos. Enfin, le mode traditionnel d’hébergement pour n’importe quel déplacement reste ici la cabane ou comme on dit en pays scandinave mais en anglais le « cottage » ou « summer cottage ». L’hôtellerie classique est plutôt résiduelle. Il existe plusieurs types de cabanes allant de la plus démunie (un réchaud électrique, au minimum deux lits superposés, souvent quatre, mais pas de linge, les toilettes et les douches se trouvant dans le bâtiment des sanitaires), à la plus confortable (un vrai studio ou appartement, tout confort parfois avec un sauna privé !). D’ailleurs, je ne connais pas les statistiques mais, d’après nos observations depuis que nous fréquentons les pays scandinaves, y compris la Finlande bien qu’elle n’en soit pas un, chaque famille en possède une quelque part, dans la forêt, dans la montagne, au bord d’un lac ou d’une rivière…
Pourquoi cette digression ? Parce que lorsque nous sommes arrivés à ce fameux camping à mi-chemin, nous sommes tombés sur une ancienne ferme qui proposait quelques cabanons au bord de la rivière Ounasjoki. Le logement de la ferme faisait office de réception : une vieille dame en sortit précipitamment ,étonnée de se trouver face à des clients, semble-t-il. Elle nous annonce le prix d’un mökki (cabane), en finnois je suppose, et aussi en montrant le chiffre 3 avec ses doigts (il fallait vraiment deviner ce qu’elle voulait dire) : 30 €, un prix imbattable ! Roselyne essaye de communiquer en anglais, en vain ! La dame appelle son mari qui sortait du bois. Le vieux monsieur est plus calme mais il nous parle aussi en finnois. Je demande par gestes à voir les cabanes. Le monsieur nous amène au bord de la rivière. Il nous montre la cabane « premier prix », puis la deuxième avec sauna à l’ancienne (50 €). Malgré un certain charme, elles sont extrêmement rustiques, sans confort, les toilettes et douches d’un autre âge se situent dans une sorte de cabanon à part, prêt à s’écrouler, sans toit ni porte, et bien évidemment ce lieu est infesté de moustiques, nos chers compagnons. On commence à se poser des questions, en particulier s’il y a de l’eau chaude au moins et nous n’avons pas de réponse non plus. Nous quittons les lieux, non sans regret, car ce vieux couple nous paraissait très sympathique.
Le prochain camping est à 40 ou 50 km. Il fait enfin beau (depuis cinq jours nous pédalons sous la pluie), nous voulons profiter de ce temps et nous continuons notre route vers le sud à un rythme soutenu. Nous profitons surtout du paysage autour de nous et ce malgré les moustiques toujours aussi agressifs et méchants. Durant tout ce voyage, nous n’avions jamais rencontré autant de rennes qu’aujourd’hui, seuls ou en groupe, au ralenti, au galop, prudents ou casse-cou.
Au bout d’une heure environ, nous faisons une pause dans un établissement qui fait à la fois restaurant (une simple cafétéria en réalité), café, superette et station service. Nous sommes approchés par la jeune fille qui s’occupe de tout (sauf des pompes à essence qui sont toutes automatisées même dans le fin fond de la Laponie). Elle nous demande instantanément (en anglais) si nous avons besoin d’aide. Elle nous communique le numéro de téléphone du prochain camping à 15 km et reste à notre service s’il y a un problème. Roselyne téléphone au camping : pas de cabine ni de chambre. Après une recherche rapide sur son Smartphone la charmante demoiselle nous donne d’autres numéros d’hébergements mais aucune réponse positive. Rovaniemi est à 55 km. Nous décidons d’aller jusqu’à ce seul camping à une vingtaine de km de là pour y monter notre tente.
Une fois sur place, l’établissement nous paraît louche, la même configuration que le premier mais sans charme, ni exotisme et surtout un accueil très désagréable. Comme attendu, la réponse pour un logement ou chambre est négative et nous demandons si nous pouvons planter notre tente. Sa réponse positive est à peine audible et nous demandons le prix : 25 €. J’ai proposé à Roselyne de quitter immédiatement les lieux et de trouver sur le bord de la route 79, un endroit où poser nos vélos pour téléphoner au camping de Rovaniemi (celui qui nous avait accueillis et où nous avions laissé notre voiture), pour réserver une cabine du même type que la dernière fois. Le problème est qu’il reste encore près de 40 km à parcourir et nous sommes tout proche de la distance du deuxième jour (133 km) avec ses souvenirs de fatigue et d’angoisse ! De plus, il faut arriver à notre camping avant 22h pour récupérer la clé de la cabane. Heureusement que la route n’était pas difficile et que la circulation était modérée (zone de 100 km/h !), avec peu de camions… Lorsque nous sommes arrivés à notre destination nous étions extenués, morts de fatigue mais heureux d’avoir parcouru cette distance. J’ai alors pensé au jeune allemand Magnus (étudiant en école d’ingénieur de chimie) que nous avions rencontré aux alentours d’Ivalo. Lors de notre échange en français s’il vous plait, il nous avait demandé combien de km nous pédalions par jour. Au troisième jour, nous étions à près de 100 km/jour. Il nous a dit qu’il en faisait 150/160 et qu’il avait déjà dans les jambes plus de 4000 km, qu’il évitait les campings en bivouaquant en pleine nature. Nous l’avions alors félicité pour ses performances et il nous avait répondu : « pour moi c’est normal car je suis jeune, mais il n’y a pas beaucoup de personnes de votre âge qui font ça,». Nous aussi, on l’a fait au moins une fois Magnus !
Que dire de plus, c’était un voyage dur mais plein d’enseignements, d’émotions, de rencontres, de sentiment de liberté, de grands espaces au sein d’une nature fragile. La beauté des paysages traversés à la seule force de nos mollets, les rennes, les moustiques, les montées et descentes, la forêt à perte de vue, les lacs innombrables, les rivières, le ruissellement de l’eau, les névés, les collines, resteront gravés dans nos mémoires. En 17 jours (15 jours de vélo), nous avons parcouru plus de 1300 km, ponctués de moments de solitude, de rêveries, de déception et surtout de joie.
En Finlande, et en Norvège, partout où nous sommes passés, à de très rares exceptions près, nous avons été bien accueillis. Nous ne garderons que de bons souvenirs. Cependant nous attribuons une mention spéciale au Camping Napapiirin Saari-Tuvat de Rovaniemi, à son personnel accueillant, pour nous avoir bien accueillis au départ et à l’arrivée de ce périple Lapon et surtout pour avoir accepté que nous laissions notre voiture dans l’enceinte de leur établissement, gratuitement.
A suivre peut-être !